Le feu fleuve

Mark Rothko, No. 8, 1952




























À sept lieues d'ici il y a
cette falaise qui rouille,
ou ocre (selon l’heure).
Non pas à cause de l’or
qu'elle a contenu mais
du fer qui la compose
encore. Lèvre nord d’un
fleuve disparu, par la mer
faite orpheline de sa rive
sœur : rive emportée, fleuve
noyé, pour la dernière
fois vu par un homme
qui gutturalisait odes
et ordres, peignait la bête
à l’oxyde de fer dans
un boyau noir. Aujourd’hui
vingt mille ans ont passé,
toute la côte est effilée
comme une lame. Lame
d’ambre, lame rouillée
(selon l’heure). Et c’est
par une ironie toute géologique
que cette lame est aussi
sa stèle solaire au-dessus
du fleuve tué, sacrifié.