Nava Ulysses

Nicolas de Staël, Agrigente, 1954





















Le vraquier Nava Ulysses
sous pavillon des Îles Marshall,
sa coque rouge brique fend
l’étendue liquide turquoise ;
ses quatre grues, sa cabine jaunes
glissent sur le bleu du ciel.


Lui et moi  je longe la plage
 marchons un temps au pas.
Puis le long navire me quitte.


Il y a moins de deux heures
devant les royales funérailles
mon cœur aussi marchait au pas.


Au pas des cent quarante-deux
marins de guerre tirant un cercueil
avec une corde. Au pas d’une

Fantaisie et fugue de Bach.

Et saint Paul dit : « De même
que nous n’avons rien apporté

dans ce monde, nous n’en
pourrons rien emporter. » Et le
cornemusier joue Dors, chère,

dors, que mon esprit spontanément
transcode en Dors, chair, dors.

Le vraquier Nava Ulysses s’éloigne.

Avec les grues de mes yeux
je saisis ces rouge, turquoise,
jaune, bleu et les jette tout à vrac

dans ma cale ; avec le chœur
tu de Westminster et l’écume
blanc-gris des oiseaux limicoles.

in Sole povero, Bruno Guattari Éditeur, 2023