Chambres

Edward Hopper, Night windows, 1928























Entre elle et moi c’est encore la nuit. Et la pluie.
Comme chaque matin à présent vers 8 heures
je la regarde enfiler des sous-vêtements noirs
dans le miroir. Je ne la vois pas faire sa toilette.
Mais je sais qu’elle la fait. Et s’habille jusqu’à
8 heures 16. Elle court maintenant de pièce en
pièce. La chambre s’éteint. La salle d’eau. Dans
le living elle se courbe sur l’enfant. Un blouson,
une écharpe, un bonnet. À 28 c’est l’extinction.
 À 31 du hall éclairé soudain surgit un vélo.
Sur le porte-bagages le petit garçon sous la pluie
patiente, indolent. Le vélo entre ses cuisses elle
tire ses gants, se dresse sur les pédales et un filet
de brume aux lèvres pèse de tout son corps
et disparaît au tournant. Dans mon dos la lumière
s’allume : le couloir. Non. La salle de bain. De
l’eau coule. Bruit de brosses, parfum. La lumière
s’éteint. La porte du salon grince. Elle se penche,
m’embrasse, Elle s’est finalement endormie,
c’est encore ses dents, à ce soir. Elle se drape dans
un manteau, la serrure, clac clac, Tu fermeras
derrière moi ? Un dernier grincement, Hmm hmm.