Et moi qui regardais très fixement,
je vis des gens boueux dans ce marais,
tous nus, et à l’aspect meurtri.
Ils se frappaient, mais non avec la main.
Dante Alighieri
C’est une masure, un gourbi à la périphérie
d’un infect petit bourg. Ici une raffinerie
empeste l’air. Même les roses puent. Sauf
les plus fortes : celles-là n’ont pas d’odeur.
De vieux rosiers bordent l’allée jusqu’à la porte.
Exsangues. Entortillés. Et bientôt rejoints
par les hautes herbes que revitalisent les pétales
chus de leurs roses rares et pourrissantes.
Les tiges grises aux épines épaisses, à leurs
cimes s’embrassent, ralentissent front à front
leur affaissement symétrique en jetant une
pénombre sur le ciment désagrégé. L’enfant,
obsédé par la peur d’être piqué, vient à bout
de ces quatre mètres de tunnel végétal en baissant
la tête. L’adulte, lui, le traverse le corps cassé
en deux. Ensuite c’est l’odeur des déchets
qui les redresse. Et l’on frappe là où la peinture
s’effrite le moins. Les écailles de la porte
coupent un peu la peau. Si des mouches
costaudes, bombinant, ne faisaient un siège
vivace autour des poubelles sous les fenêtres,
à la vue du jardin, des vitres sales, on imaginerait
personne ici. Mais on ne veut pas que la porte
s’ouvre. On veut que la raffinerie explose.
