Une défaillance perpétuelle

Hans Bellmer, Dialogue du prêtre et du moribond, 1946



























« Je ne suis pas, ô mon Dieu, ce qui est : hélas ! je suis presque ce qui n'est pas. Je me vois comme un milieu incompréhensible entre le néant et l'être : je suis celui qui a été ; je suis celui qui sera ; je suis celui qui n'est plus ce qu'il a été ; je suis celui qui n'est pas encore ce qu'il sera, et dans cet entre deux que suis-je ? un je ne sais quoi qui ne peut s'arrêter en soi, qui n'a aucune consistance, qui s'écoule rapidement comme l'eau ; un je ne sais quoi que je ne puis saisir, qui s'enfuit de mes propres mains, qui n'est plus dès que je le veux saisir ou l'apercevoir ; un je ne sais quoi qui finit dans l'instant même où il commence, en sorte que je ne puis jamais un seul moment me trouver moi-même fixe et présent à moi-même pour dire simplement : Je suis. Ainsi ma durée n'est qu'une défaillance perpétuelle. »

in Traité de l'existence et des attributs de Dieu, Fénelon