Il n’y a plus le moindre bourdon atomique dans l’air.
Les élytres électriques se sont tus. Tout le quartier a sombré
dans des ténèbres complètes un peu avant minuit. Alors
je suis ici, à cette table face à la baie et je relis le poème n° 9
du Requiem d’Akhmatova à la lueur d’une seule bougie.
Je lève instinctivement la tête. Fixe la vitre. Miroir
absolument noir. Un peu de visage : front, pommette, nez.
Des lambeaux d’une main, le coin supérieur d’une page.
Et mon œil qui me regarde, goutte de cire tombée
dans le visage. « ... Ni les ombres tremblantes des tilleuls,
ni ce bruit léger, au loin : les derniers mots qui veulent consoler. »
La peau de la main, du visage, et le papier, sont roses
sous la flamme. Flamme raide sur son trait de cire. Et
je soupire, la lumière tremble. Vivre au risque de la tarir.