Une peinture phasmatique

Eugène Leroy, Vénus jaune, 1992




















Les colorations de la chair y sont si décomposées qu'elles se terrent dans les mille tons du lichen, du humus d'une feuillée chue. Pourtant Eugène Leroy est un peintre dont les toiles s'éclairent. Elles s'allument à leurs ocres et ors, que constellent l'atomisation et interpénétration du cadre et des figures qui y respirent comme des bêtes enfouies. Chaque touche est un trou de souffle (c'est ainsi que Jim Harrison nomme ces voies forées à travers la neige par la respiration de l'ours hivernant). Un trou de souffle, oui, mais térébré dans une saison bâtarde, hybride  et continûment reconduite  à cheval sur le printemps et l'automne : les deux saisons où les couleurs avec frénésie forniquent. La créature est ici toujours fondue dans la divinité de son cadre  qu'il soit une chambre, un fourré  dans le même temps que cette divinité, naturelle et qui la met au monde, abonde dans sa créature. La peinture d'Eugène Leroy est une lave jamais éteinte  donc jamais cendre  et qui enchâsse le corps dans son cadre avec l'immuabilité à l'affût du phasme.

in Salle d’attente