David Cronenberg, Crimes of the Future, 2022 |
... alors réécoutons.
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A la base de cette idée du Séminaire, il y a surtout le désir d’essayer une version à ma portée et collective des très passionnants entretiens presque ordinaires de la Paris Review. Avec des questions simples et une atmosphère non officielle propice à la raisonnable empoignade comme à la confession. Et le tout serait étiré dans le temps. Il y a donc le coup de feu quand la session est lancée, et puis suivent, lointaines, ce que l’on croit encore, toujours, être les dernières salves après un plus ou moins long temps de parole en jachère. Et puis un jour ça repart…
L’idée m’est venue il y a des années sous sa forme embryonnaire, mais le déclic a eu lieu en voyant évoluer les groupes Facebook. Leur fonctionnement est assez adéquat : la discussion peut être en temps réel — puis cesse — et quand elle reprend après une longue interruption, les membres du groupe sont immédiatement avertis. C’est d’ailleurs ce qui m’a convaincu de garder les sessions ouvertes. Et désormais, grâce à ce nouveau blog, les sessions actuelles et à venir pourront aussi être enrichies hors Facebook.
L’expression y est hybride, la frontière entre l’oral et l’écrit est ténue. Et d’une relative spontanéité (nous avons affaire à des personnes qui aiment le verbe). Aussi bien conversation qu’accrétion de notes espacées — où dans une discussion parfois agitée, certains, simplement de passage, glissent une timide et/ou lapidaire réponse comme à une enquête.
Quant aux questions, elles ne me viennent jamais tellement à l’avance. C’est comme avec les poèmes, m’en vient une quand je pense qu’il n’en viendra plus. Il y a des thèmes que j’aimerais — sans en connaître par avance la manière — aborder. La gestion de la déconvenue, la toute première publication, le tact et la pudeur…
Au fil des sessions (quatorze à l’instant où je parle, comptant les deux bis) des choses finalement tout aussi importantes que les réponses reçues — lesquelles sont souvent chirurgicales, même dans leur façon d’hésiter — sont apparues. D’abord, la personnalité, le caractère de chacun se révèlent de manière flagrante chez les séminaristes assidus. On sent aussi — de temps à autre — qu’une réponse était prête depuis longtemps et qu’elle attendait sa question, qui n’est pas toujours celle que je pose au départ ; cette dernière déclenche, est un prétexte. Et puis je crois que chacun y trouve également matière à réfléchir, et de cette matière de mots des pensées toutes neuves parfois sortent, sur place, ou sont emportées. Et n’oublions pas la voix, qui est là, déjà, celle qu’on retrouve dans des textes habituellement travaillés, on l’entend, on comprend après ce long temps d’exposition que représente la participation régulière au groupe, que la voix n’est pas longtemps dissimulable. Bien sûr, elle n’est pas taillée. Mais aux échantillons, on sent que la carrière, la mine ne sont pas loin.
S.B.