Sur la lèvre inférieure du fleuve un petit nuage
blanc, solitaire, s’élève des champs invisibles.Très lentement se dandine. Hésite entre deux formes.
D’abord droit comme un i, point d’exclamation,
le voilà qui se tord, se veut d’interrogation.
C’est l’instant où j’aperçois un doigt coupé
dans le sable. Et ce doigt bénit le flux et le matin.
Ou me désigne simplement l’autre rive. Et ça
tombe bien, il y a une barque abandonnée plus loin
sur la plage. Barque noire, comme au bois brûlé.
Et la mer d’huile oint la terre. Bruissant à peine
allume sur sa peau la doublure du soleil. Étincelle.
Je m’approche du doigt. C’est le tronçon desséché
d’une tige d’algue brune. Je m’approche de la barque.
Vermoulue, brisée : elle est tout amputée
de son tribord… Oui, quelque chose se décide ici.
Et c’est que rien ne se décide. Sur l’autre rive
le petit nuage aussi renonce au signe. N’interroge
plus. Ne s’exclame plus. Et dans le tendre bleu c’est
la fin du conclave. Le petit nuage. Fumée blanche.
in Sole povero, Bruno Guattari Éditeur, 2023