Hannibal, 2015 |
[...] H.G. : J’aimerais revenir sur deux poèmes qui me touchent et m’interrogent.
« Laisse », dont j'aime beaucoup le déroulé, la narration intérieure et
paysagère, je me demandais comment c'était monté, venu ? Pareillement avec « Les
étranges fruits », qui m'intrigue bien plus, difficile d'accès, ramenant et
s'éloignant de la célèbre chanson.
S.B. : Oui oui, je peux parler de ces deux
poèmes. C'est d'ailleurs deux bons exemples : un qui a demandé du temps et un
peu de travail et l'autre qui est venu d'un jet. Le plus ancien de ces deux
poèmes d'abord, « Les étranges fruits ». Ce titre, tu as mis le doigt dessus,
est évidemment un hommage à Billie Holiday, à ce terrible poème. Poème terrible
parce que comme le « Todesfuge » de Celan, son auteur l'a tiré d'une matière
dont on aurait préféré qu'elle n'existe pas. Poème dont on voudrait que n'en
soit jamais venue la nécessité. J'étais dans une mauvaise passe quand j'ai écrit
ce poème. Je me trouvais dans le loft d'artiste d'un ami (je précise parce que
c'est le lieu que je décris au début du poème) qui s'absentant me l'avait laissé
pour quelques semaines afin que je fasse le point. Je m'étais isolé des trois
personnes avec qui je vivais. Je ne faisais que lire ou boire en écoutant de la
musique. Mais un après-midi je me suis dit qu'il fallait que je tente d'écrire
quelque chose. Que je ramène au moins ça si ma situation mentale ne s'améliorait
pas tellement. Alors j'ai fait une chose que je ne fais pas souvent. Je me suis
mis en position d'écrire un poème dont aucune prémisse ne m'était venue. Je me
suis assis sur un tabouret, j'ai posé une feuille sur la table à dessin de mon
ami et j'ai levé la tête. J'ai observé. Au bout d'un quart d'heure j'ai parlé du
vent. [...]
(L'entretien complet ici sur le site des éditions Aux Cailloux des
Chemins.)