Près de vingt années le séparent de son dernier dessin. Aujourd’hui
il veut retracer les figures de François, Thomas, Thérèse et les autres. Et puis
des autoportraits. Les saints pour le commun sont des visages béats un peu
niais, pâlots, qu’une lumière pourtant éperdument contemplée n’a jamais brunis,
des profils séraphiques tendus vers le bleu du monde, s’ôtant au frottement
de la bure sous laquelle oscillent les battements d’un cœur pour tout
équipement d’ailes. Des niches en lui patientent, où positionner les vraies têtes
des illustres mystiques. Sous son crayon, François, Thomas, Thérèse et les
autres fixent, dans une présence terrifiante, l’œil qui les découvre comme
surpris en flagrant délit de foi. Ils émettent ce qui doit être la bonté d’un air féroce, et cet élan exogène, sauvage du
bien – par on ne sait qui, quoi, où – lui tremble l’âme comme un vent extérieur
l’eau celée d’un aven. Cette transmission d’âme par le cœur, et/ou de cœur par
l’âme, transcende comme une menace. C’est l’appréhension d’une opération dont
la douleur sera plus grande que le mal qui
aurait tué et qu’elle tuera. En quête d’un chemin, d’un raccord, entre leurs
vies et la sienne, il compare les faciès terribles à ses physionomies lâches, où
il se dégoûte. Ou parce que sa propre main, déficiente, n’est pas allée au bout
d’elle-même, ou à cause qu’elle ait réussi à le toucher, à l’ébranler, bien trop
franche et douée à l’atteindre. Il s’y reconnaît à côté, être adventice poussé au fossé du chemin. La route est large.
Large comme un désert. Ce large lé, champ d’une attention sans mélange, pressenti et visité dans ces airs qu’il a lui-même
peints, et qui n’a nul centre, nulle fin, nulle frontière par où le pénétrer, parce
qu’il ne lui donne nul indice se trouve être l’intuition qu’il doit chercher cette
faille d’où y tomber dont il sait désormais qu’elle ne peut être qu’en lui.
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