Depuis l'est, de la lumière

Carsten Höller, Killing Children, 1994


















La maison a tremblé et crié toute la nuit.
Vers le matin, s'est calmée. Les enfants,
cherchant quelque chose à manger, se fraient
un chemin à travers le séjour sens dessus dessous
pour gagner la cuisine sens dessus dessous.
Voilà Père, qui dort sur le canapé.
C'est clair qu'ils s'arrêtent pour regarder. Qui ne ferait de même ?
Ils écoutent ses ronflements violents
et comprennent que les vieilles habitudes
ont repris une fois encore. Alors qu'y a-t-il de neuf ?
Mais la vraie sensation, ce qui leur fait écarquiller les yeux,
c'est que leur sapin de Noël a été renversé.
Il gît sur le côté devant la cheminée. 
L'arbre qu'ils ont aidé à décorer.
Il est abîmé maintenant, des glaçons et des sucres d'orge
jonchent le tapis. Comment une chose pareille a même pu se produire ?
Et ils voient que Père a ouvert
le cadeau que Mère lui a offert. C'est une longueur de corde
à moitié sortie de sa jolie boîte.
Qu'ils aillent se faire pendre
l'un et l'autre, voilà ce qu'ils aimeraient dire.
Au diable tout ça, au diable
les parents, c'est ce qu'ils pensent. En attendant,
il y a des céréales dans le placard, du lait
au frigo. Ils vont s'installer avec leur bol
devant la télé, trouvent leur feuilleton,
essaient d'oublier la pagaille tout autour.
Ils montent le son. Plus fort, et plus fort encore.
Père se retourne et grogne. Les enfants rient.
Ils continuent d'augmenter le volume pour qu'il comprenne bien
qu'il est en vie. Il lèvre la tête. La matin commence.

in La vitesse foudroyante du passé, Raymond Carver